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Le Mémorial du camp de Rivesaltes a déjà 10 ans

Le Mémorial du camp de Rivesaltes célèbre ses 10 ans. Lieu de mémoire et de transmission, il retrace l’histoire des populations internées et sensibilise aux valeurs de tolérance et de liberté. La Région Occitanie, engagée dès l’origine, en a fait un pilier du devoir de mémoire.

Découvrir, comprendre, questionner, telles sont les missions du Mémorial.

Imaginez… Imaginez que votre monde et vos certitudes s’effondrent et que vous deveniez maudits au point d’être internés dans un camp : vous ou vos proches, famille et amis. C’est ce qui est arrivé à plus de 60 000 personnes, de 100 nationalités différentes, internées ici, en France, au camp de Rivesaltes près de Perpignan à partir de 1941 : des réfugiés espagnols fuyant depuis 1939 la guerre civile dans leur pays et les troupes franquistes, des juifs venus d’ailleurs, des Tsiganes persécutés aussi par le régime de Vichy, des Harkis arrivés massivement en métropole au lendemain de la fin de la guerre d’Algérie… Ça n’arrive pas qu’aux autres. Ces hommes, ces femmes et ces enfants aux cœurs meurtris et aux âmes soupirantes ont été les étrangers de quelqu’un, comme nous le sommes tous.

Le Mémorial du camp de Rivesaltes [1] est un lieu de mémoire et de transmission, témoin silencieux de l’histoire tumultueuse du XXe siècle. À l’occasion de ses dix ans, il proposera en début d’année prochaine un nouveau parcours muséal. Une exposition permanente enrichie de nouveaux contenus y sera présentée avec la même ambition d’être pour chacun de nous un lieu de commémoration, de transmission et de réflexion.

La pire des menaces qui pèse sur nos épaules est celle de l’ignorance du passé et des leçons qu’il nous faut en tirer.

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie

Dix ans d’engagement

Le Mémorial permet de comprendre le passé pour éclairer le présent, notamment auprès des enfants.

Inauguré en 2015, le Mémorial du Camp de Rivesaltes retrace l’histoire des différentes populations qui y ont vécues à travers une exposition permanente rassemblant de nombreux témoignages mais aussi des objets, des photos. Le Mémorial propose par ailleurs des expositions temporaires et des rendez-vous culturels en lien avec le travail de mémoire. Une attention particulière est portée à la jeunesse avec des actions pédagogiques menées avec eux et la mise à disposition de dossiers pluridisciplinaires à l’intention de leurs enseignants. Depuis dix ans, le Mémorial interroge notre passé collectif et incite à la réflexion sur les thèmes que sont la discrimination, le racisme, la liberté et la tolérance.

Les Expositions temporaires

À voir jusqu’au 20 février 2026 : l’exposition Objets de mémoires est une immersion dans le monde d’objets, d’images, de témoignages et de récits qui sont aujourd’hui les traces qu’il nous faut suivre pour pénétrer l’histoire du camp.

Vous pouvez aussi (re)découvrir les expositions temporaires passées sur le site internet du Mémorial.

Entre nécessité de l’émotion et refus du pardon

Le bâtiment du Mémorial, en partie enterré, permet aux visiteurs de s’immerger dans les vestiges du camp.

S’interdisant de détruire la moindre parcelle de mémoire du camp, le bâtiment imaginé par l’architecte Rudy Ricciotti, Grand Prix national d’architecture en 2006 notamment, occupe le seul espace ouvert du site, au cœur de l’ancien camp militaire : la place d’armes, l’ancien lieu de rassemblement. Les alignements de baraques en dur s’étendent à perte de vue. Malgré son volume imposant, le Mémorial n’écrase pas les vestiges qui l’entourent. À l’entrée, le toit affleure le sol naturel et s’élève progressivement vers l’est, sans dépasser le faitage des baraquements. Ainsi, cette « masse de mémoire » se fond dans le paysage, « comme pour s’excuser d’être là ».

Rivesaltes, retour sur un siècle d’histoire

Froid intense et vent glacial l’hiver, soleil de plomb l’été. En 1923, les autorités françaises portent leur dévolu sur les vastes étendues de garrigues de la plaine de Rivesaltes pour construire un camp d’entraînement et d’exercices. Il portera le nom du Maréchal Joffre natif de Rivesaltes.

Plusieurs milliers d’espagnols, fuyant la guerre civile dans leur pays, ont été internés au camp Joffre.

À partir de 1939, plus de 450 000 Républicains espagnols et civils fuient la violente guerre civile que connaît leur pays. Beaucoup seront parqués plusieurs mois sur les plages du Roussillon avant de « trouver refuge » dans une trentaine de camps d’internement. Plusieurs milliers d’entre eux seront internés au camp Joffre réquisitionné en urgence. Les conditions de vies restent très précaires. Ces déplacements contraints sont rendus possibles par un décret de novembre 1938 qui autorise l’internement forcé de tous « les étrangers indésirables » représentant un danger potentiel pour la France.

Les tsiganes, expulsés d’Alsace-Moselle (territoire annexé au Reich allemand) se retrouvent également internés à Rivesaltes.

D’autres populations considérées comme « indésirables » sont visés par ce décret. Quoique français, les Tsiganes ou Roms sont victimes de la politique de persécution du régime de Vichy. Ils sont touchés par des restrictions de déplacement et des milliers d’entre eux se retrouvent internés.

Près de 5 000 juifs sont rassemblés au camp de Rivesaltes et concentrés sur deux ilots spéciaux, enclos de barbelés et gardés par 400 gardes mobiles.
Crédits : ADPO Fonds Bohny-Reiter

Le régime de Vichy institutionnalise l’antisémitisme. L’internement des Juifs étrangers à Rivesaltes s’accélère lorsqu’en 1942, le camp devient « centre inter-régional de rassemblement des Israélites ». Le camp va jouer un rôle déterminant dans la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Sur les 5 000 juifs internés au camp de Rivesaltes entre août et novembre 1942, 2 289 d’entre eux partiront en convois pour Auschwitz.

De novembre 1942 à la fin de la guerre, les Allemands qui occupent la zone sud, vident le camp des populations civiles et en font une caserne pour leurs troupes jusqu’à la fin de la guerre. À la Libération, Rivesaltes devient un centre de séjour pour les personnes suspectées de collaboration puis un dépôt de prisonniers de guerre de l’Axe. Y séjourneront des Allemands, Autrichiens, Italiens, Hongrois et même des Espagnols et des Soviétiques.

Entre 1962 et 1964, le camp de Rivesaltes devient un lieu de transit pour les Harkis et leurs familles fuyant l’Algérie.

Au printemps 1962, les Harkis [2] et leurs familles fuient l’Algérie devenue indépendante. Rivesaltes devient « Centre d’accueil des Français de souche nord-africaine » pour 21 000 Harkis. A leur arrivée, les baraques en dur sont délabrées. C’est dans des tentes militaires installées dans l’urgence qu’ils passeront le premier hiver glacial de 1962/63. Les conditions de vie restent précaires et rudes. Les harkis quitteront très progressivement le camp qui fermera officiellement en 1964. Cependant un village hors du camp subsistera jusqu’au printemps 1965. Des dernières familles quittent les zones de vie et de travail qui leur sont dédiées en 1977.

Après 1964, le camp hébergera tour à tour des militaires engagés au côté de la France lors des guerres de décolonisation : Guinéens, Nord-Vietnamiens d’Indochine française. Entre 1986 et sa fermeture définitive en 2007, le camp deviendra un centre de rétention administratives pour étrangers expulsables.

En 1997, Jacques Chamoux, employé municipal de Perpignan découvre dans une décharge publique de la ville des archives du camp de Rivesaltes concernant l’internement de populations juives. Il contacte le journaliste de L’indépendant Joël Mettay qui portera le scandale au grand jour. Christian Bourquin (décédé en 2014) alors président du département des Pyrénées-Orientales défendra la création d’un Mémorial et mobilisera autour de lui des personnalités publiques de l’époque.

Témoignage

Il faut offrir des expériences du réel, qui donnent envie d’en savoir davantage, d’approfondir. D’où l’attention du Mémorial à montrer de vrais objets, des documents saisissants, des témoignages émouvants, qui permettent de comprendre le passé, et de saisir cette réalité si forte et évidente : ces femmes, ces hommes, ces enfants du passé sont à la fois très loin de nous, et très proches, car, comme nous, ils avaient une famille, de l’espoir, ils aimaient, souffraient…

Laurent Joly, Président du Conseil scientifique du Mémorial, directeur de recherche au CNRS

Découvrir l’interview complète de Laurent Joly

[1Porté par la Région Occitanie et le Département des Pyrénées-Orientales

[2Militaires autochtones d’Algérie qui servaient aux côtés l’armée française durant la guerre d’Algérie