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Laurent Joly : "le défi c’est d’attiser la curiosité des plus jeunes"

Laurent Joly est président du Conseil scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes. Spécialisé dans l’étude de l’extrême droite, de la Shoah et du régime de Vichy, il est également directeur de recherche au CNRS.

Aujourd’hui, les victimes directes des périodes tragiques disparaissent. Comment remplacer leurs témoignages directs pour assurer la transmission de la mémoire ?

On le sait, rien ne remplace le lien direct avec un témoin ayant vécu ces périodes tragiques. Mais il y a plein de moyens d’assurer la transmission de la mémoire : la force du texte écrit, via les nombreux récits qui existent, ou la puissance des reconstitutions visuelles - ce que le Mémorial propose, avec un lien toujours incarné, illustré de documents authentiques, aux acteurs et actrices de l’histoire.

Comment faire en sorte de lutter contre les fake news qui touchent également l’histoire et notamment les périodes concernées par le Mémorial ?

Rarement le défi n’a semblé aussi grand. La compréhension de l’histoire exige un esprit critique, une attention à la complexité, à la profondeur des choses. Or ces aptitudes sont menacées à la fois par l’essor du populisme nationaliste, très actif sur le web et proposant des savoirs alternatifs falsifiés, et par celui de l’IA, qui donne tout (et aussi n’importe quoi) sans effort. Donc le défi c’est de parvenir à trouver des formats permettant de dire le plus simplement possible des choses complexes et d’attiser la curiosité des plus jeunes.

Il faut offrir des expériences du réel, qui donnent envie d’en savoir davantage, d’approfondir. D’où l’attention du Mémorial à montrer de vrais objets, des documents saisissants, des témoignages émouvants, qui permettent de comprendre le passé, et de saisir cette réalité si forte et évidente : ces femmes, ces hommes, ces enfants du passé sont à la fois très loin de nous, et très proches, car, comme nous, ils avaient une famille, de l’espoir, ils aimaient, souffraient… Contre les fake news, la meilleure arme, c’est une approche de l’histoire incarnée, au plus près du vécu réel des gens, dans leurs contextes.