Retour sur les précédentes éditions

Focus 2025 : Quand l’art s’engage

Depuis la création des Journées des ateliers d’artistes en 2018, le public est chaque année au rendez-vous, curieux de découvrir ces lieux de création souvent tenus secrets, de partager des moments d’échange privilégiés avec les artistes… mais aussi motivé par le désir profond de comprendre ce qui se joue derrière une œuvre : une démarche toujours passionnante, qui soulève des questions aussi essentielles que celles de « l’utilité sociale » de l’artiste, ou de l’art comme outil au service de liberté d’expression.

Ainsi, l’art contemporain s’impose comme un puissant bastion démocratique : un espace dont les artistes se saisissent pour transmettre un message, prendre position, défendre des valeurs ou mettre en garde, réaffirmant au passage l’indiscutable force de frappe politique ou sociale que peut avoir une œuvre.

« Pour moi, créer une œuvre c’est relever le défi de l’image fixe, c’est-à-dire proposer en une seule image un discours complexe, ouvert à plusieurs interprétations possibles » dit Nicolas Daubanes à propos de sa pratique. Comme lui, les artistes présentés dans ce dossier affichent la volonté d’affûter notre pensée critique par une approche du réel sensible et nuancée, à travers des œuvres qui nous surprennent, nous émeuvent, nous indignent et par-dessus tout, nous font réfléchir.

Crédits : Alex Lessoult / Crédit Photographie Monica Leyva Bellido
Nicolas DAUBANES, Perpignan (66)

Connu notamment pour ses dessins à la limaille de fer devenus sa marque, l’artiste s’intéresse depuis plus de 15 ans au monde carcéral et aux questions liées à l’enfermement, à l’empêchement physique ou à l’exploitation humaine. Pensionnaire de la Villa Médicis à Rome en 2024 – 2025, il s’est penché sur la figure du mathématicien Galilée, qui y fut lui-même en résidence surveillée en 1633. Pour les JAA, l’artiste – qui confie travailler dans son propre salon – accueillera le public chez lui, à Perpignan. Le public pourra également découvrir au Musée d’art moderne de Céret un ensemble d’œuvres réalisé depuis 2013, entre dessins emblématiques et productions inédites (27 septembre 2025 - 22 février 2026). Deux expositions personnelles au Panthéon et au Musée de l’Armée aux Invalides ajoutent cet automne à sa riche actualité.

Crédits : Nicolas Daubannes / Crédit photographie Anthony Franci
Margaux FONTAINE, Saint-Pierre-de-Trivisy (81)

Dans sa conception de l’écologie - c’est-à-dire la relation des êtres vivants entre eux et avec leur milieu - et plus précisément de l’écoféminisme, la magie et le sacré ont toute leur place.

Son œuvre célèbre le lien avec la nature et la puissance de la communauté féminine, notamment à travers l’image de la sorcière comme figure émancipatrice. En réaction à notre monde individualiste et hyper-productiviste, Margaux Fontaine travaille avec lenteur, « en collaboration avec le végétal », à partir de matériaux glanés dans la forêt ou de réemploi, et de savoir-faire ancestraux : teinture végétale, travail textile, alchimie, saponification… Elle accueillera le public dans son atelier, l’ancienne cantine du village qui fût centre ménager de jeunes filles. « On y retrouve des casseroles et chaudrons, des machines à coudre, des draps anciens, des pigments et des fleurs séchées ; des objets qui faisaient déjà partie de l’histoire du lieu. Et puis il y a mes tentures, ma soupe de clous rouillés, mes potions et mes dessins ».

Crédits : Magaux Fontaine
Mathieu FARCY, Florac (48)

Le photographe s’est progressivement éloigné de la posture de « faire sur » un sujet, et défend aujourd’hui une approche horizontale de l’art. Il tente de trouver les moyens de « faire avec », essentiellement des personnes invisibilisées, éloignées de la production artistique. Il est actuellement en résidence dans un Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) à Florac, une structure d’auto-organisation formée par des personnes en parcours psychiatrique. Mathieu Farcy et ses co-auteurs ouvriront leur atelier de création « un lieu d’écoute très libre, de temps partagé pour faire de l’art ensemble et reprendre le pouvoir sur son parcours de vie ».

Anne DESRIVIERES, Toulouse (31)

L’artiste toulousaine interroge notre rapport à l’information et aux discours diffusés par les médias et les pouvoirs dominants. A partir de supports existants (pages de journaux, citations, carnets de bord…), elle mène un travail de réécriture au moyen d’interventions légères, souvent des motifs sérigraphiés, qui viennent détourner le sens originel de l’image ou du texte. Sa démarche tire sa force de travaux déployés en séries, le caractère répétitif des procédés amplifiant la puissance du propos. Les visiteurs pourront découvrir son dernier ensemble, Caviar Chéri, dans son atelier de la place Saint-Georges.

Collectif La PEL, Les Flottes (12)

La PEL – pour Praxis Etnica Liura – est un jeune collectif qui rassemble une vingtaine d’artistes d’expression occitane. De la Provence au Pays Basque, de l’Auvergne à la Catalogne, le socle linguistique et culturel occitan est pour eux un environnement d’observation, de réflexion et de création. Issus essentiellement du champ des arts graphiques, ils tissent de nouveaux liens entre la création contemporaine et la culture occitane, déterminés à s’extraire du folklore par une esthétique ancrée dans son temps. Constitué de manière informelle en 2019 autour de la revue Lo Diari, le collectif s’est structuré. Après une première exposition collective au festival Estivada à Rodez en 2025, il porte aujourd’hui le projet d’une saison culturelle en Aveyron. A l’occasion des JAA, l’artiste Joan Carles Codèrc ouvrira sa grange - atelier, rejoint par Gérard Marty, son binôme du duo Fòra Man, pour présenter des œuvres du collectif et échanger autour de ce projet stimulant.

Crédits : Collectif LAPEL
Joy CHARPENTIER, Montpellier (34)

Engagé très jeune dans le militantisme politique, Joy Charpentier a transformé ses colères en geste artistique, à travers lequel il interroge son identité « à la marge de la marge » de manouche et d’homme queer. Avec humour et dérision, il manie l’art du détournement et développe une œuvre carnavalesque qui déconstruit les codes et les valeurs. Ses luttes « roma-queer » prennent la forme d’installations, de sculptures, de sérigraphies, mais aussi de performances scéniques : sous le nom de « Fiona Narvali », son alter ego drag, il investit son corps comme puissant outil d’émancipation politique. Artiste nomade, il se déplace de résidences en ateliers collectifs, ou travaille chez lui où il organisera un accrochage pour les JAA.

Laura FREETH, Toulouse (31)

Laura Freeth s’intéresse au bâti et aux techniques de construction, en lien avec l’histoire des lieux. La recherche d’une moissonneuse-batteuse est le point de départ du projet Creuser, qu’elle mène depuis 2019 avec Kevin Chrismann : une enquête sensible autour du monde agricole, pensée comme un dispositif d’archivage de sons, d’images, de gestes (présenté jusqu’au 21 septembre à l’Eté photographique de Lectoure). Membre fondateur du collectif IPN en 2012, l’artiste accueillera le public au sein des ateliers du quartier Bonnefoy à Toulouse, un lieu qui lui permet d’expérimenter toutes sortes de techniques et mener des projets collaboratifs.

Réalisé et publié par la revue Ramdam