Ils étaient en 2020 presque 400 artistes d’Occitanie à ouvrir les portes de leur sateliers, dans les villes bien sûr, mais aussi dans les campagnes, en des coins parfoisreculés, souvent superbes, livrant la vision d’une scène artistique étendue à l’ensemble du territoire régional, et certainement moins urbaine qu’il n’y paraît. « L’art du XXe siècle s’est largement déployé sur des modèles environnementaux urbains. Mais aujourd’hui, on ne peut plus considérer les zones rurales comme des paysages inertes. La ruralité offre un espace vivant, animé, d’échange et de créativité »remarque Marta Jonville, directrice du centre d’art La Cuisine. Et c’est bien là l’une des vertus de la manifestation : mettre en lumière la création à l’endroit-même où elle prend forme, et force est de constater que l’art n’est pas l’apanage des villes. Qualité de vie, proximité avec la nature, espaces de création mieux adaptés, inspiration renouvelée… nombreux sont les artistes à y trouver les conditions de travail auxquelles ils aspirent. Accentué par la crise sanitaire, facilité par les réseaux sociaux, le phénomène ne semble pas prêt à se tarir. Entre les pages de ce dossier dédié à la Journée des Ateliers d’Artistes, ce sont ces artistes et lieux de création que nous avons choisi d’éclairer afin d’inviter le public, le 10 octobre prochain, à battre aussi la campagne pour voir de l’art contemporain.
Formés à la photographie, associés depuis 2009, Elise Mazac et Robert Drowilal se sont progressivement éloignés de la notion d’auteur pour faire glisser leur pratique vers l’iconographie et l’édition.
Ils s’intéressent à la culture visuelle, et aux images qui façonnent nos représentations du monde : images publicitaires, de presse, de mode, amateurs…qu’ils assemblent et qu’ils montent pour en court-circuiter ou en questionner le sens. En 2013, ils délaissent leur petit espace parisien pour un atelier dans l’Aveyron. Aujourd’hui, ils occupent une ancienne menuiserie à Villefranche-de-Rouergue. Régulièrement exposés en Europe et dans le monde, ils alternent déplacements et vie d’atelier où l’espace leur ouvre des pistes pour tester de nouvelles formes et de plus grands formats.
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L’architecte Marie-Cécile Conilh a transformé sa maison familiale – une ancienne magnanerie du XVIe siècle – en résidence ouverte aux artistes rencontrés au cours de ses voyages au Japon et au Brésil, et plus récemment en Corée du Sud.
Architecte de métier, Marie-Cécile Conilh a toujours entretenu des liens étroits avec l’art contemporain, en France, mais aussi au Japon et au Brésil où elle a vécu. Depuis 20 ans, sa maison dans le Gard est un point de chute informel pour les artistes rencontrés à l’étranger.
Il y a quelques années, le projet se structure et devient Echangeur 22, une résidence à vocation transculturelle, née d’un désir d’échanges, de collaborations et de mobilité artistique entre la France et les pays d’origine des artistes. Au sein de ses impressionnants volumes, Echangeur 22 dispose de tout le matériel nécessaire pour la sérigraphie, la photographie, la gravure, la céramique… et peut loger jusqu’à 10 résidents.
« Nous entretenons des liens durables entre le lieu et les résidents, ils reviennent en général tous les 5 ans, mais l’ancrage local est aussi très fort : partenariats avec les écoles d’art de Nîmes et Avignon, journées portes ouvertes, mise à disposition des ateliers libres aux artistes locaux… ».
Pour Marie-Cécile Conilh, la participation à la Journée des Ateliers d’Artistes s’inscrit dans le prolongement de sa philosophie : « Rencontrer les artistes, se confronter à ce moment de recherche est indispensable pour prendre conscience du courage des artistes à produire une oeuvre et se reconnecter à la valeur de l’objet. Il y a là un enjeu essentiel »
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Victoria Klotz vit dans les Pyrénées depuis plus de 20 ans où elle produit une œuvre protéiforme centrée sur une expérience intime du "naturel" et de l’animalité. A travers installations, sculptures, photographies, vidéo, dispositifs sonores… elle fait basculer la dimension écologique dans la fiction et nous invite a repenser équitablement notre point de vue sur le "sauvage", renouer d’anciennes alliances et adhérer à la nature comme un biotope auquel nous participons pleinement. Rendez-vous dans son atelier au Tiers-Lieux en Bigorre pour découvrir ses travaux en cours.
Il a choisi la peinture comme un acte de résistance, à une époque - la fin des années 90- où elle était annoncée comme morte. Résolu à ne pas se laisser influencer par les injonctions du monde de l’art, Fabien Boitard se retire à Aniane près de Montpellier, où il développe un style personnel, riche et immédiatement identifiable, qui puise dans la diversité des techniques picturales. Son travail est à découvrir dans son nouvel atelier, un lieu à son image, au cœur de la nature, alimenté par des panneaux solaires et l’eau du canal.
Dans un ancien château du XIIIe siècle brillamment réhabilité par les catalans RCR Arquitectes, le centre d’art et de design La Cuisine explore les thématiques liées à l’alimentaire, en relation étroite avec le territoire et ses habitants.
Marta Jonville, directrice du lieu, défend le potentiel de l’art contemporain à repenser les relations entre nature et culture : "L’intérêt d’un centre d’art en zone rurale n’est pas de faire venir l’art urbain à la campagne mais de renverser les modèles, permettre d’autres formes de récits, produites sur place. Compte tenu de la dégradation des ressources naturelles et des écosystèmes, les arts et la culture contemporains ont un potentiel unique pour déclencher un processus créatif visant à repenser les paradigmes économiques, tester de nouveaux modèles, émouvoir et exciter le public."
Espace d’expérimentation pour les artistes, le centre d’art a été pensé comme "un véritable laboratoire de production en circuit court", largement ouvert sur son territoire et ses habitants souvent partie prenante des projets. Depuis février 2021 et pour 12 mois, la Cuisine met à la disposition de Débora Incorvaia, artiste et cheffe indépendante, et Sara Turquety, poète de performeuse, un atelier d’artiste situé dans le "donjon" ainsi que l’ensemble des espaces du centre d’art.
A l’occasion de la Journée des Ateliers d’Artistes, elles accueilleront le public en pleine phase de work in progress : un moment d’échange privilégié selon Marta Jonville, car "pour comprendre ce qu’est une ouvre, il est nécessaire d’avoir accès au cheminement, et pas juste au travail fini."
A travers ses photographies, Claude Belime interroge le rapport de l’homme au paysage, celui que l’on occupe et celui qui ouvre l’imaginaire. Pour un photographe de paysage, choisir un lieu où vivre et travailler n’est pas anodin. A Céret, il combine pratique artistique et professionnelle (et il est aussi spécialiste des Observatoires du paysage), et a fondé Lumière d’encre, un lieu de rencontre autour de la création photographique qui organise des expositions, des résidences et des actions de médiation.
Pour la Journée des Ateliers d’Artistes, il recevra le public dans son propre studio, au coeur du village.
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Diplômée de Haute école d’art des Pyrénées, Cassandre Cecchella a choisi de vivre dans les Pyrénées où se sont nouées ses premières opportunités professionnelles, mais elle aime aussi changer d’atelier pour redécouvrir son travail et renouveler sa pratique.
Depuis quelques mois, elle occupe un atelier logement à Toulouse, au cœur du quartier de la Reynerie, qu’elle ouvrira au public pour faire découvrir sa peinture. Une peinture figurative, motivée par le désir de révéler un quotidien auquel on ne prête plus guère attention, vive et lumineuse comme un album de vacances.
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Née de la crise sanitaire et du désir de disposer d’un lieu où se retrouver pour créer et renouer le contact avec la nature, La Peyrigne est une résidence d’artistes en pleine ohase de structuration. Elle a été imaginée par Léon Biasolo, Louise Pereira Guerra et Matéo Guibault, étudiants aux Beaux-arts de Cergy et de Toulouse.
Comment est née cette résidence ?
En tant qu’étudiants en école des beaux-arts, on a beaucoup souffert des confinements et de la difficulté à créer en étant isolés, nous avons testé concrètement les limites de la création en milieu urbain. En février dernier, nous nous sommes retrouvés ici, dans la maison familiale de Léon, au sein d’une exploitation agricole. On a bougé, échangé avec les habitants, visité le territoire, ça a été un vrai bol d’air. Nous avons organisé une exposition avec le soutien de la commune qui a reçu un excellent retour. Dans la foulée, on a décidé de mettre en place une résidence d’artistes pendant l’été pour une durée de quatre semaines suivies d’une semaine d’exposition dans l’espace public.
Aujourd’hui, on souhaite pérenniser le projet.
Quel rôle joue l’environnement rural dans votre projet ?
Un rôle central § Nous mesurons tout le potentiel à créer en milieu rural. On a fait beaucoup de travaux pour loger jusqu’à une vingtaine d’artistes en simultané et leur fournir l’espace pour reproduire. On a réhabilité des dépendances, créé des ateliers de peinture, sculpture, gravure, édition, un studio argentique… Au-delà du lieu, la nature, les traditions, les activités agricoles, les ressources du territoire nourrissent notre inspiration et on souhaite qu’il en soit de même pour les artistes invités. Nous avons reçu un accueil très favorable et en vrai soutien de la part des habitants, ce qui traduit certainement de leur part une attente en matière culturelle.
Quels sont vos projets à court terme ?
Cette année sera consacrée à structurer notre démarche et améliorer l’accueil des résidents l’été prochain. Nous allons poursuivre les travaux d’aménagement, installer un bureau et une bibliothèque. Nous aimerions mettre en place un approvisionnement en circuit court, et peut-être à plus long terme produire ici même, à la ferme, qui vivait encore il n’y a pas si longtemps en quasi autarcie. En février, nous organisons un workshop avec l’école des beaux-arts de Cergy, et sommes d’ores et déjà en contact avec le centre d’art et de photographie de Lectoure et Memento à Auch.
A l’occasion de la Journée des Ateliers d’Artistes, nous accueillerons le public pour lui faire découvrir le lieu et la production des premiers résidents.
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Réalisé et publié par la revue Ramdam