Covid-19 : ces PME d’Occitanie qui adaptent leur production

Masques, gels hydro alcooliques… Aux quatre coins de la région, le savoir-faire de certaines PME est utile pour la fabrication, en urgence, de matériel de protection sanitaire, face à l’épidémie de Covid-19. Chaque entreprise respecte bien sûr les mesures de protection sanitaire pour ses salariés : lavage régulier de mains, gel hydro alcoolique à disposition, distances de sécurité entre les opérateurs… Tour d’horizon.

Cugnaux (31) : Berdoues Parfums et Cosmétiques fabrique des gels hydroalcooliques

Contribuer à l’effort national. Aux côtés d’autres parfumeurs, Groupe Berdoues a répondu à l’appel du gouvernement, pour garantir l’approvisionnement en produits d’hygiène et gels hydroalcooliques. Cette PME reconnue, qui emploie 85 salariés, devient le référent pour les hôpitaux et les cliniques en Occitanie. La fabrication requiert l’utilisation de trois matières premières : glycérine, peroxyde d’hydrogène et alcool.

« Compte tenu de nos métiers, et de nos matières premières, nous avons le savoir-faire. La difficulté, c’est l’approvisionnement. Nous mobilisons tous nos fournisseurs pour qu’ils continuent à fabriquer des flaconnages », explique Sophie Berdoues, présidente. La production monte en puissance : une tonne le 19 mars, deux tonnes le 23 mars, puis un passage progressif à quatre tonnes par jour. Les grands formats (500 millilitres) sont privilégiés. Le prix a été fixé par les hôpitaux. « Notre objectif n’est pas de faire du business sur cette campagne, tranche la dirigeante, dont le profil LinkedIn arbore une bannière élégante portant l’inscription ‘Mobilisation et Solidarité’. Il s’agit simplement de couvrir les coûts de revient. »

Au total, 35 personnes se trouvent en production. « Tous les salariés sont déjà très sensibilisés à l’hygiène, du fait de notre activité, enchaîne-t-elle. Aux mesures habituelles – lavage des mains, blouses, surchauffes et coiffes -, nous avons ajouté des masques et des gants. La distance minimale d’un mètre est respectée sur la chaîne. Tout a été mis en place pour les équipes se sentent en confiance. » Le plan de production est adapté au jour le jour. Groupe Berdoues est en lien direct avec le CHU de Toulouse, qui évalue les besoins à l’échelle de l’Occitanie. La production classique de Groupes Berdoues n’est pas pour autant arrêtée. « Nous ne fabriquons pas que des parfums, mais aussi des gels douches et des produits lavants pour les mains, rappelle Sophie Berdoues. Et, dans les parfums, figure l’eau de Cologne, qui peut être utilisée pour l’hygiène des mains. »

Ce contexte, très particulier, soude les équipes. « Tout le monde a pris conscience qu’il fallait continuer la production, pour répondre à l’urgence sanitaire. On ne doit pas s’arrêter. Travailler pour des hôpitaux et des cliniques donne encore plus de sens à notre métier, et nous recevons beaucoup de messages d’encouragement. »

Panel d’aides mises en place : « Une bonne information par la Région Occitanie »

La fabrication de gel hydroalcoolique n’effacera pas une perte sèche de chiffre d’affaires. « Beaucoup de parfumeurs ont dû fermer. Et la consommation ne redémarrera pas immédiatement », indique Sophie Berdoues, présidente. Groupe Berdoues a sollicité le report de certaines échéances fiscales et sociales, « pour garder un peu de trésorerie, alors que les trois prochains mois s’annoncent compliqués. L’activité de gel hydroalcoolique ne génère quasiment aucune marge et ne couvrira pas les frais de structure ». La dirigeante est néanmoins rassurée par les dispositifs d’aides mis en place par L’État et la Région Occitanie. « La Région informe de façon efficace sur son panel d’aides, et est aussi relayée par Bpifrance, qui est investisseur dans notre société », conclut-elle.

Labarthe-sur-Lèze (31) : Paul Boyé Technologies fabrique des masques FFP2

Spécialiste des équipements de protection individuelle et NRBC, Paul Boyé Technologies, basé à Labarthe-sur-Lèze, au sud de Toulouse, est l’un des 4 industriels français qui fabrique des masques FFP2 pour l’État. Quatre lignes de production de masques ont été remises en fonctionnement. Elles avaient été construites pour répondre aux besoins de masques lors de la grippe aviaire (H5N1) en 2006 et la grippe porcine (H1N1) en 2009.

A ce jour, Paul Boyé Technologies produit 500.000 masques par semaine, livrés uniquement au personnel de santé, en première ligne face à l’intensité de l’épidémie. Fin mars, un million de masques est sorti des usines. « Nous mettons en œuvre tous nos moyens pour que la montée en puissance de la production se fasse le plus rapidement possible, explique Jacques Boyé, PDG. La protection des soignants est primordiale pour qu’ils puissent assurer notre propre santé. »

Fournisseur agréé des Ministères de la Défense, de l’Intérieur et de la Santé, ainsi que des Services départementaux d’Incendie et de Secours, Paul Boyé Technologies emploie 247 salariés en France, et réalise un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros en 2019.

Aimargues (30) : Eminence passe des sous-vêtements pour hommes à la fabrication de masques.

Face à l’urgence sanitaire, et pour pallier un arrêt brutal de son activité traditionnelle, le groupe textile gardois Eminence (propriété de l’Israélien Delta Galil) produit 7.000 masques simples anti-projection (non labellisés FFP2).

« Nous avons été sollicités par le service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault, pour la confection de masques en triple épaisseur de tissu, détaille Dominique Seau, PDG du groupe textile. Sur les 400 salariés, 50 sont mobilisés à Aimargues - les autres étant en chômage partiel - pour couper et confectionner. »

Les masques sont fabriqués avec du coton et de l’élasthanne entreposés sur site, à l’origine prévus pour d’autres types de confections. « Il faut faire preuve d’ingéniosité, avec ce que l’on a, car tous les approvisionnements sont bloqués », explique Dominique Seau. Le processus de fabrication est classique. La mise au point, en amont, d’un prototype avec le médecin-colonel du Sdis a été la tâche la plus complexe. « On n’a pas le droit à l’erreur, et nous n’avons pas de compétences en matière de santé », conclut-il.

En savoir plus

Florac (48) : Atelier Tuffery au secours de la demande lozérienne

Atelier Tuffery, plus ancienne marque française de jeans, créée en 1892, a modifié ses process pour fabriquer des masques non médicaux, « mais créant une barrière simple », explique Julien Tuffery, PDG et incarnant la 4e génération.

Le 25 mars, environ 2.000 masques étaient déjà fabriqués. En termes de distribution, « nous raisonnons local  : artisans, commerçants du secteur alimentaire, taxiteurs, caissières, établissements paramédicaux… » Le polycoton utilisé est « très dense et résistant, et offre une protection physique contre les postillons qui peuvent transmettre le virus ». Atelier Tuffery n’a pu produire « qu’un dixième des demandes », dans une période « compliquée », où deux tiers des salariés ont été mis au chômage partiel. L’atelier compte ainsi 5 opérateurs, au lieu de 15 d’ordinaire. « Il n’y a plus de pause café, nous procédons à des désinfections régulières et les distances de sécurité sanitaire sont systématiquement respectés », précise le dirigeant.

L’activité historique de fabrication de jeans se poursuit en parallèle de la confection temporaire de masques. « Les directives du gouvernement manquent de clarté. Je ne sais pas quoi dire aux équipes, entre sécurité et bienveillance managériale », observe Julien Tuffery.

Aucamville (31) : Femso Industrie passe de l’aéronautique à des visières de protection

PME de 12 salariés, spécialisée dans la mécanique de précision pour l’aéronautique, le sport automobile, le pétrole et le nautisme, Femso Industrie a réorienté la totalité de sa production, le temps de la crise, dans la fabrication de visières en plastique. Ces visières sont dotées de trois accroches métalliques, pouvant se fixer à n’importe quelle casquette. « Nous sommes partis du principe que tout le monde a une casquette dans son placard, explique Gilles Verhelst, gérant.

Le matériel produit, léger, est destiné aux personnels soignants, aux Ehpad, aux médecins et aux centres de santé d’urgence. » Le produit, industrialisé à partir du 19 mars, a été testé par le conseil de l’ordre des médecins de la Haute-Garonne. 400 kits sont fabriqués chaque jour. « Nous travaillons à une refonte de nos processus industriels, pour augmenter cette cadence de production. Cela implique un travail d’adaptation, une réorientation des flux et la mise en place de stock de sécurité, avec la définition d’un seuil de réapprovisionnement », détaille le dirigeant, ancien consultant de Space et aussi à la tête d’une société de conseil (AC Factory).

L’objectif de l’opération est « sociétal, sans pour autant que nous perdions de l’argent. Le coût diffère selon les destinataires : nous vendons un peu plus cher aux industriels, et un peu moins cher pour les soignants ». Les prix de vente ont été fixés « en quatre jours », selon la méthode Activity Based Costing (méthode des coûts par activité). L’intérêt est aussi dans le maintien, en interne, d’une activité, alors que la moitié des salariés est en chômage partiel. « Avec ce projet, nous passons du mode survie et à une augmentation de la production », relève Gilles Verhelst.

Covid-19 : les entreprises du Tarn montent au front

Plusieurs entreprises du Tarn mettent au service leur savoir-faire industriel pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Par exemple, Mécanumeric (Albi) s’est lancé dans la fabrication de plaques en plexiglas transparentes, pour constituer un écran protecteur entre le client et la caisse des commerçants.

A Castres, les laboratoires Pierre Fabre produisent du gel hydroalcoolique dans leur unité cosmétique de Soual. Ce gel hydroalcoolique est commercialisé en pharmacie sous la marque Ducray, la marque d’hygiène et de soin pour la peau la plus médicale du groupe tarnais. Il sera disponible au prix public fixé par le gouvernement, soit un maximum de trois euros le flacon de 100 ml. « Dans la crise sanitaire sans précédent causée par le Covid 19, le gel hydroalcoolique est devenu un produit de première nécessité pour la santé publique. Les pharmaciens et le personnel officinal qui sont en première ligne dans la lutte contre le virus en ont besoin : pour se protéger dans l’exercice de leur mission et pour répondre à la demande exponentielle de leurs patients », indique Pierre Fabre.

Des masques fabriqués par solidarité, mais une demande de clarification

Atelier Missègle (Burlats), spécialisé dans la confection de chaussettes et de pulls, produit des masques de niveau 3, « à la demande de collègues industriels, d’aides-soignantes et d’Ehpad, explique Myriam Joly, créatrice et gérante. Nous nous référons aux masques type ‘CHU de Grenoble’, mais nous souhaiterions avoir une norme Afnor. Pour l’instant, nous fabriquons des masques non homologués, environ 500 par jour. » Le produit des ventes est reversé à l’Institut Saint-Jacques, fonds de dotation du CHU de Toulouse.

A Graulhet, Euréka Cuir, qui prépare et réalise du cuir élastique pour des tanneurs, des mégissiers et des maisons de luxe, fabrique également des masques. 4 et 12 salariés s’y consacrent, en respectant les protocoles sanitaires de protection. « En quelques jours, nous avons délivré 400 masques au Samu d’Albi, se félicite Fatima Valentin, directrice commerciale. On n’a pas le temps de faire certifier nos masques, car l’urgence est absolue. Et nous avons des matières disponibles (toile denim brute, doublures de sac…), qui sont à la fois épaisses, imperméables et lavables. » Les masques comprennent deux barrières. L’utilisateur peut en installer une troisième, dans une poche intérieure, avec du papier sulfurisé, du filtre à café découpé ou du Sopalin.

De son côté, Jersey Créations (Labruguière) a participé à la découpe bénévole de toile, polaire, laine tissée…, pour la fabrication d’environ 10.000 masques par Atelier Missègle, la manufacture Regain et Maison Tournier. « Nous sommes les seuls, dans le secteur, à avoir un outil de coupe automatisée », explique Sébastien Vergnes, associé. Cet ancien infirmier se veut néanmoins prudent. « J’ai remis en question la préconisation du CHU de Grenoble sur les masques, selon laquelle trois couches de tissu pourraient suffire. Il ne faut surtout pas distribuer des masques qui seraient non protecteurs, alors même qu’ils pourraient amener leurs utilisateurs à ne pas respecter les gestes de distanciation. Il serait souhaitable que l’ARS et la préfecture précisent les matières à utiliser, ou pas. » L’activité de découpe a été stoppée, par principe de précaution.

Téléchargements

PDF - 843 kio